lundi 3 novembre 2008

Un éléphant dans le salon

Il est là, bien peinard, au milieu du salon. Énorme. Il a tout bousillé sur son passage, écrasé le canapé, mis en pièces le fauteuil Louis XV. Il s'est vautré sur le tapis, a dégueulassé le parquet ciré. Maintenant il s'attaque à la bibliothèque, déchire une à une les pages des livres, fait des boules de papier qu'il envoie valdinguer contre les murs. Le boucan qu'occasionne le moindre de ses déplacements est à peine croyable, l'odeur intolérable. Ça fait des semaines qu'il s'est incrusté, je bute sur lui à chaque fois que je me déplace d'une pièce à l'autre, et ça n'a pas l'air de le gêner. À peine un coup d'oeil de côté quand il me voit passer, un mouvement de queue, comme un tic nerveux, et de nouveau il se baffre, serein. J'ai bien pensé à lui dire de dégager, mais il faudrait pour ça qu'il m'entende, et le bruit de ses mastications modère mon enthousiasme. J'ai donc décidé de l'ignorer.
Depuis, mon éléphant et moi, on se fait des soirées télé. Coincée entre son postérieur et le bord du canapé, je tente de donner un sens aux bribes de phrases que je parviens à sauver du marasme, tandis qu'il se balance pesamment d'une patte sur l'autre, avant de se mettre à ronfler. Le matin je le contourne pour aller me laver, il me lance un regard torve et s'affaire à déchiqueter ma collection entière de bd. Je lui ai donné un double des clefs, pour qu'il puisse jouir de sa liberté, mais il refuse de bouger. Mon appartement est un capharnaüm, je suis trop fatiguée pour travailler. Peut-être faudrait-il penser sérieusement à déménager.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaire