jeudi 4 septembre 2008

Toi, moi, et Facebook


(illustration Joann Sfar, Pascin. La Java bleue).
Avant Facebook les choses avaient une fin. Elle le rencontre, ils se plaisent, mais leur amour est impossible. Ils le savent, savourent l'instant, se taisent au moment de se dire au revoir. Dans son souvenir à elle, l'homme idéal, c'était lui. Dans son souvenir à lui, la femme parfaite, c'était elle. Des heures et des heures de flash-backs en perspective pour les années à venir et la certitude que rien, jamais, ne saura effacer leurs belles certitudes. Et puis voilà, Facebook arrive.
Elle le rencontre, ils se plaisent, mais leur amour est impossible. Ils le savent, savourent l'instant et, au moment de se dire au revoir, l'un d'entre eux demande : "tu es sur Facebook?". Elle aura désormais accès à ses échanges les plus intimes, aux photos de ses dernières vacances à la mer, aux moindres détails de son quotidien. Il pourra à loisir la voir sous toutes ses coutures, admirer le pédigrée de ses nombreux "amis". Il faudra bien qu'ils entretiennent un début de correspondance. Elle, décontractée, séduisante et lui, drôle, plein d'esprit. Et puis elle lira les messages sur son wall, et comprendra que ce qu'elle croyait n'être réservé qu'à elle, ces mots, ces sous-entendus, il les réserve aussi à d'autres. Il se lassera, à la longue, de la distance et ses messages se feront plus courts, plus espacés. Le contenu de leurs échanges se révèlera forcément banal, et bientôt l'indifférence prendra le pas sur la prime curiosité. Et parce que résilier un ami Facebook est bien moins anodin que l'ajouter, parce que l'ambiguïté est bien plus facile à administrer que la plus simple des honnêtetés, il ne restera plus de leur rencontre que leurs profils échangés, soigneusement oubliés.

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